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Le multi-instrumentiste Thomas Thielen qui se cache derrière sous le nom très énigmatique de T pour la troisième fois nous offre avec "Anti-matter poetry" un album inclassable et définitivement progressif.
Le CD comporte 6 morceaux assez longs plus ou moins enchaînés. L'ambiance est souvent grave, dramatique ou juste étrange et la musique qui en résulte pleine de beauté, mais aussi de contrastes parfois surprenants.
Le disque débute lentement par "the wasted lands" (9:36) dont la première partie – d'environ 6 minutes – est instrumentale, mélange de synthés vaporeux et de discours rappelant celui d'astronautes émettant depuis l'espace, avec une guitare limpide jouée glissando, avant que basse, batterie et guitares rythmiques ne fassent leur apparition pour une mélodie très mélancolique d'influence vaguement classique. La partie vocale démarre sans rythme avec la voix de T s'élevant doucement soutenue par un piano distordu comme passé au travers d'un filtre. Le refrain est plus torturé ; on ressent là tout l'amour que le musicien porte à David Bowie auquel il ressemble parfois de façon assez étonnante, avec ces intonations dramatiques et même désespérées dans la voix. On sent l'influence du genre drums'n'bass sur "scavenger" avec ses séquences rythmiques martelées, les synthés froids aux sons étranges, des guitares sombres et un peu sales et cette mélodie lente, envoûtante, presque menaçante. Le style développé à une époque par No-Man et Porcupine Tree n'est pas loin. "phantom pain scars" (14:12) est plus dynamique avec des chœurs synthétiques aux accents tragiques, des guitares à la fois rock et aériennes évoquant Pink Floyd, des synthés très spatiaux et un piano cristallin, une batterie puissante mais aussi un saxophone qui apporte une touche jazz pendant un moment, et enfin un violon sur la fin plus apaisée ! T évoque toujours autant Bowie et pas plus mal que l'original. "I saved the world" (8:00) est encore plein de contrastes, entre guitares cristallines mêlées de synthés planants, une section centrale rapide à la rythmique électro parfois lourde et au son sale et le long final intimiste où dominent de nouveau guitares claires et synthés venus d'ailleurs. Le long "the rear view mirror suite" (14:42) a de quoi charmer avec ses parties vocales lentes et mélancoliques, moins typées, synthés aux couleurs évanescentes, guitare lyrique déchirante (un beau solo très développé dans la deuxième moitié du morceau), le mélange de batterie et de séquences rythmiques, et ce piano qui donne une teinte organique à la musique. Enfin, "anti-matter poetry" reprend un peu la structure inhabituelle du premier morceau : les 6 premières minutes sont instrumentales, planantes au départ, plus rock ensuite, avec quelques riffs rageurs et un énorme solo (un peu dissonant), le tout sur un mélange de textures modernes et chorales. T ne chante que la fin, reprenant les inflexions typiques déjà mentionnées pour une complainte tragique et grandiose jusqu'à l'interruption brutale à la guitare.
Et le plus beau dans tout ça ? Je l'ai gardé pour la fin : Thomas Thielen joue tous les instruments lui-même et malgré cela, on pourrait croire, la plupart du temps, qu'il y a un véritable groupe au complet derrière.
Pas toujours immédiatement accessible, pas toujours si accrocheuse mais souvent belle et mystérieuse, la musique de "anti-matter poetry", à l'instar des travers de l'âme humaine dont l'album traite, constitue néanmoins un album attachant, à découvrir peu à peu.
Marc Moingeon
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