Abel Ganz : The Dangers Of Strangers (20th Anniversary Edition) (2008 - cd - parue dans le Koid9 n°68)

Abel Ganz est l'un des ces quelques groupes dits aujourd'hui "néo-progressifs" (étiquette aussi stupide que totalement dénuée de sens) apparus au tout début des années 80, avant même Marillion et en même temps que Tweflth Night. Hélas Abel Ganz, formé par le bassiste Hugh Carter et le claviériste Hew Montgomery, aura le plus grand mal à garder une formation stable et ne dépassera pas le stade de la cassette auto-produite. C'est UGUM (obscure émanation d'un légendaire magasin de disques progressifs bordelais), distribué par MSI en France, qui prend l'initiative d'éditer leurs trois albums-cassettes sous forme de CD au tout début des années 90. Les disques sont édités dans le désordre, sans note explicative, sans aucun crédit musicien, tout juste de vagues crédits compositeurs. Tout cela sentait plus ou moins le pirate mais, faute de mieux, certains, dont votre serviteur, furent bien contents de les trouver.

Abel Ganz a la particularité d'avoir abrité en son sein l'actuel chanteur de Pallas depuis plus de 22 ans, Alan Reed. Alan chante sur la première cassette "Gratuitous flash", quitte le groupe, remplacé par le chanteur/guitariste Paul Kelly pour le plus rock "Gullible's travels", et revient enfin en 1985 pour une partie seulement des vocaux sur "The danger of strangers", le reste étant encore interprété par Kelly. L'album est souvent considéré comme leur meilleur, malgré sa durée assez limitée de 38 minutes.

Aujourd'hui, alors que les pressages initiaux sont épuisés et que des pirates circulent, le groupe reformé autour de Carter et Montgomery a décidé de rééditer ce CD, dans un format remasterisé avec une version moins longue du morceau-titre, et avec un montage vidéo des sessions d'enregistrement, le tout dans un digipack, avec une nouvelle illustration, des crédits complets, et des notes des musiciens – enfin  !

L'album comprenait initialement 5 morceaux allant de 4 à 12 minutes. La musique du groupe est souvent assez calme, ou moyennement dynamique, très mélodique (l'irrésistible "rain again"  !), sensible, avec des développements instrumentaux plus enlevés, quelques beaux soli de claviers et de guitare électrique (voire de basse  !) volubiles mais sans virtuosité renversante (ni plus ni moins que chez Marillion, d'ailleurs). Les thèmes sont faciles à mémoriser, les rythmes finalement assez peu complexes, avec juste ce qu'il faut de variations pour aboutir à des pièces de 6 à 12 minutes. Et ce n'est pas plus mal. Les morceaux où figure Paul Kelly sont un peu plus froids mais le morceau-titre, magnifique, qui se rapproche davantage de leur première cassette plus intimiste, est pourtant interprété par ce dernier. Le son a évidemment vieilli. Les claviers utilisés par Montgomery étaient assez légers et les textures d'usine assez fades. De plus, la batterie est parfois électronique. Abel Ganz, contrairement à d'autres, n'essayait pas de copier le Genesis des années 70 à grand renfort de moog et de mellotron. Leur son s'apparente plutôt à celui de Twelfth Night, avec un côté "new-wave synthétique" mais en plus sage. Ceci dit, la remasterisation à partir des bandes originales a permis d'arriver à un résultat nettement meilleur  : un son plus clair, avec plus de dynamique, des basses plus profondes. C'est particulièrement appréciable et cela donne une nouvelle dimension à ces morceaux sympathiques aux mélodies tour à tour mélancoliques ou plus joyeuses, fort bien interprétées par les voix fragiles et légèrement voilées de Reed et Kelly, qui possèdent toutes deux un charme particulier, une vague ressemblance avec le timbre de Peter Gabriel (c'était presque une obligation à l'époque  !) sans que l'on ait l'impression d'une quelconque imitation.

La version démo de "danger" de 7 minutes au lieu de 12, est plus froide dans le son, un peu mécanique, mais sonne de manière plus puissante, assez curieusement.

Bien sûr, il faut replacer ce disque dans son contexte. Il aurait peut-être été judicieux de réenregistrer une partie des instruments (les claviers et la batterie, par exemple), mais cette réédition ravira ceux qui apprécient les groupes progressifs de cette époque et ont loupé la sortie originale. Quant aux autres, à vous de voir – les bonus étant assez limités –, mais le son et le packaging sont par contre ouvertement améliorés. Je me suis laissé tenter et ne le regrette pas.

Marc Moingeon






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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