Didier Bardin : Le Pouvoir Des Pierres (2008 - cd - parue dans le Koid9 n°67)
Le claviériste et compositeur Didier Bardin est diplômé de musicologie de la célèbre université parisienne de la Sorbonne. La conception de son projet "Le pouvoir des pierres" (2008) est née d'une question : est-il possible de créer une musique apaisante et bienfaisante, tout en restant variée et intéressante ? Un premier travail porta sur les découvertes du Professeur Lee Bartel, de l'Université de Toronto. Ses recherches révèlent l'effet direct de certaines fréquences sur la production d'ondes cérébrales alpha, bêta et delta. Elles montrent aussi l'action de certains rythmes sur le cycle respiratoire et cardiaque. La symbolique de certains minéraux, ainsi que leurs propriétés vibratoires, apparut comme un concept approprié, tout en proposant une lisibilité largement accessible à l'auditeur. Les cinq années de travail que nécessita le projet permirent d'imbriquer étroitement ces différents aspects, la création de textures sonores tonales spécifiques supposant une écriture mélodique et harmonique de type "tension/détente". Néanmoins, il s'agissait pour l'artiste de proposer avant tout une musique agréable et harmonieuse, facile d'accès, et qui laisse à l'auditeur la liberté de choisir son propre niveau d'écoute et d'attention. Le résultat de cette réflexion est aujourd'hui publié par le label Dreaming.
Le principe de base adopté par Didier Bardin a de quoi surprendre et susciter débat. En effet, quoi de plus discutable que d'imaginer qu'il soit possible, en adoptant des règles précises résultant de recherches préalables, d'écrire une musique "idéale" qui aurait un impact prévisible et identique sur tous les auditeurs ? Evidemment on imagine que la théorie est censée se vérifier sur le plus grand nombre, car tout le monde n'a pas la même réceptivité face à la musique, nous sommes toi lecteur adoré et moi-même bien placés pour savoir que c'est même faux. Il me semble aussi évident que, comme pour les cas d'hypnose, l'auditeur doit être un minimum consentant pour répondre à cette musique de la manière imaginée par son compositeur.
Mais trêve de débat de principe, ne soyons pas sectaires et prêtons une oreille attentive à cet album à première vue singulier.
Des nappes douces et paisibles de claviers chuchotent en fond sonore. Au premier plan viennent se poser des notes bien détachées, elles aussi jouées au clavier. Les sonorités dominantes sur tout l'album seront : guitare acoustique, piano, flûte et cordes. Quelques sons plus exotiques sont parfois employés (rappelant par exemple le générique de l'émission "Ushuaïa" si vous voyez ce que je veux dire). Aucun élément rythmique ne vient énerver ni même seulement soutenir le propos, à part quelques percussions plutôt discrètes. Je rappelle à ce propos qu'il s'agit avant tout d'apaiser.
Peu de voix aussi sur cet album mis à part quelques mots qui sonnent comme une langue elfique par-ci, et de douces vocalises par-là, le tout interprété par Carole Moron.
Bon, d'accord, je n'y tiens plus, je lâche le mot : il s'agit bien de musique généralement appelée New-Age, style que je n'ai pas du tout l'habitude d'écouter. Ça aurait sans doute été plus simple de commencer comme çà plutôt que de nous foutre la trouille avec des fréquences bêta ou epsilon, vous ne pensez pas ?
Chacun des 7 morceaux porte le nom d'une pierre, associé à une sensation. Citons par exemple: "turquoise (bonheur)", "jade (paix)". Quoi de plus charmant dans ce monde de brutes, n'est-il pas ?
Les 7 morceaux, durant de 7 à 10 minutes, savent prendre leur temps. Le disque s'étire donc doucement, au moment où la douce mélancolie qui se dégage dans la dernière partie de "quartz rose (amour)" attire mon attention. Et là je réalise ce qu'il manque à cette musique trop lisse et sans vague : de l'inattendu et du contraste. Pour employer un exemple lui aussi teinté de mysticisme, j'ai envie de dire que dans la vie s'il y a le yin, il y a le yang. S'il n'y avait à la télévision qu'"Amours, gloire et beauté", avouez que ce serait triste et qu'il est bon d'avoir aussi "Prison Break", non ?
L'album est déjà bien avancé quand soudain apparaît le titre "hématite (courage)", aux accents celtiques et aux sonorités mélancoliques de hautbois, se rapprochant de certains travaux de Mike Oldfield. Ce morceau est même doté d'une jolie mélodie bien identifiable. Que demander de mieux ? "Cristal de roche (vérité)" clôt l'album sur une autre belle mélodie au piano en fond de nappe de claviers rappelant maintenant Vangelis.
Le contrat principal est accompli : cette musique est apaisante et bienfaisante, agréable et harmonieuse, facile d'accès. Quant à l'aspect varié et intéressant chacun appréciera diversement, cependant je ne suis pas certain que notre lectorat soit le plus propice à se contenter d'un tel minimalisme. Il y a sans doute des moments de la vie quotidienne où on peut avoir envie d'entendre ce genre de musique. En tous cas, vous avez remarqué, je n'ai jamais utilisé le mot "ascenseur" dans cette chronique, et vous ne me le ferez pas écrire ! Qu'est-ce que je peux bien vouloir insinuer par là…?
Michael "zen" Fligny |