Ad Vitam : Là Où Va Le Vent (2002 - cd - parue dans le Koid9 n°44)

Ad Vitam est le groupe de Jad Ayache, ex-guitariste du mythique et regretté groupe Xaal qui au début des années 90 laissa dans les esprits de mémorables souvenirs par le biais de quelques concerts enflammés et d'un superbe album d'une musique à la croisée du jazz-rock et de la "zeuhl"-musique, car ce groupe s'inscrivait dans l'univers musical défini par Magma.

Avec Ad Vitam, la musique est toute autre, bien qu'elle aussi s'inscrivant dans le champ musical défriché par Magma. Il s'agît d'une musique vocale acoustique chantée en français, à la fois riche et dépouillée, et qui illustre de superbes textes écrits par Jad Ayache, tout comme la musique. On pourrait même parler de chanson française, si cette appellation n’était pas quelque peu réductrice et synonyme de manque de richesse musicale. L'accompagnement musical est assuré par Jad Ayache au piano acoustique, et les voix sont celles d'Isabelle Feuillebois, de Julie Vander et de Claude Lamamy, tous trois respectivement chanteuses et chanteur de Magma. Autant dire que l'atmosphère est proche de celles de l'album "Des voix" de Magma paru sur le label Seventh. Elle est également très proche de celle du groupe anglais Renaissance dans sa première formation, tant le style pianistique de Jad Ayache rappelle celui de John Hawken et les voix évoluent avec autant de grâce que celle de Jane Reilf (en particulier sur le morceau "danse tibétaine" ou une seule chanteuse vocalise). Il s’agît donc de musique progressive de facture classique, comme pouvait en produire le groupe Procol Harum, avec en prime les influences européennes de musiciens tels que Bartok et Stravinsky, qui ont bien évidemment influencé le groupe Magma. Le travail harmonique est remarquable mais sans excès d’ornementation, car ce qui frappe particulièrement lorsqu’on assiste à un concert d’Ad Vitam elle est donnée en public est le recueillement quasi mystique dont elle est emprunte, dont témoignent les interprètes et qui se transmet au public. Il s’agit d’une musique apaisante, et complètement épurée, et le nombre de concerts donnés par Ad Vitam n’y est sans doute pas pour rien. Cette musique a été lentement mûrie pour arriver à un tel degré de maturité et de beauté plastique. La petite gratification de la guitare de Jad vers la fin du dernier morceau nous fait penser à Xaal et nous demander ce que pourrait donner cette musique étoffée par un écrin musical plus large qu’elle mériterait amplement.

Ce disque a été enregistré au Triton par Jacques Vivante et est paru sur le label du même nom, et il est juste de rendre hommages aux deux frères Jean-Pierre et Jacques Vivante, d’avoir sur créer dans leur club parisien des Lilas un nouveau pôle musical qui manquait cruellement à la capitale pour rassembler toutes les musiques construites de qualité, ceci incluant bien évidemment les groupes progressifs pour lesquels ce lieu devient incontournable. Il s’agit du deuxième album d’Ad Vitam, et le son est encore meilleur que pour le premier. La première chanson est la reprise d’une chanson de Brassens qu’Ad Vitam s’approprie si parfaitement qu’on en oublie l’originale. Il s’agit d’une bel hommage que l’ami Georges n’aurait sans doute pas désavouée ! Autre hommage que la "danse tibétaine" à Gurdjieff et l’on comprend mieux l’aspect métaphysique de cette musique qui tend souvent à illustrer la cosmogonie Gurdjienne (comme aussi celle d’Alain Kremski qui illustre ce penseur, mais d’unne manière moins facilement accessible …).

Jean-Pierre Heymann






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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