(collectif) : Kalevala - A Finnish Progressive Rock Epic (2003 - 3cd - parue dans le Koid9 n°48)
Embarquez sur votre drakkar pour un fantastique voyage au cœur des mythes et légendes finnois. Le Kalevala est en effet un recueil de poèmes tirés de chants populaires de tous âges et de tous temps réunis par Elias Löhnnrot. La première édition date de 1835 et comportait 35 poèmes. La seconde est parue en 1849, regroupant 50 poèmes. Le Kalevala est devenu une source d'inspiration pour toute la culture finnoise (art, musique, écrits, dessins, architecture…).
Le colossal projet de retranscrire le Kalevala en rock progressif est à l'initiative du magazine finlandais Colossus. Ce dernier a contacté certains groupes, tout de suite intéressés par ce projet, si bien que rapidement tous les poèmes ont été réservés par des groupes de Pays divers. En définitive, 30 groupes ont participé à cette œuvre grandiose, avec quelques "pointures" du progressif (Museo Rosenbach, Malibran, Simon Says, Sinkadus, Magenta, Cafeïne…).
Chaque groupe a choisi une partie (un ou plusieurs poèmes), s'est chargé de l'arrangement et de la traduction dans sa langue de prédilection, ce qui permet une variété de chants (scandinaves, italiens, anglais…). Au fil de l'album et des groupes, toutes sortes d'instruments sont utilisés : flûtes, violons, violoncelle, orgue hammond, mellotron, trompette, trombone… Certains groupes ont même fait appel à des musiciens supplémentaires pour parachever leurs compos. Le coffret comprend 3 CD (82'37", 78'46" et 76'41", soit près de 4 heures !) et un livret d'environ 60 pages (rédigé en anglais) comprenant une note explicative sur l'origine du Kalevala, la démarche ayant abouti à ce triple CD, la présentation des 30 groupes, la traduction des 50 poèmes et des illustrations.
L'ensemble est à la fois homogène (l'enchaînement des morceaux passe très bien) et hétéroclite, chaque groupe apportant sa touche personnelle. L'orientation musicale tend vers le prog des seventies, avec des passages plus neo-prog et de temps à autre des incartades vers d'autres styles musicaux.
En guise d'entrée en matière, le groupe finlandais Haikara nous offre un morceau principalement instrumental, comprenant du violoncelle, et un beau chant féminin sur le final. Puis au fur et à mesure des morceaux on retrouve des influences multiples. Tout d'abord celle de Genesis, avec le groupe italien Revelation (après des covers de Genesis, il se lance dans ses propres compos), avec Magenta et surtout les français de Clearlight dont le chant (en anglais) est calqué sur celui de Peter Gabriel. Avec Simon Says on pense à Emerson Lake et Palmer, notamment sur un passage de clavier digne de Keiko Kumagai (claviériste d'Ars Nova). De son côté Sinkadus produit une musique torturée à la Crimson à la manière de ses compatriotes Anglagard et Anekdoten. A souligner aussi la belle performance de Malibran aux passages de flûte à la Jethro Tull, ainsi que celle de Orchard, morceau instrumental que n'auraient pas renié Kollar Attila et son groupe Solaris. A noter aussi le morceau de Thonk aux multiples claviers (piano, mellotron, orgue hammond…). Quelques digressions vers d'autres styles avec notamment Whobodies (plutôt jazz rock), Elegant Simplicity (petit passage blues) et surtout Qadesh avec sa musique déjantée qui part dans tous les sens : passages acoustiques (avec mandoline), dérive pop, extraits jazzy et une courte séquence reggae. Le final offert par le groupe Caféine est excellent : séquence rock à la Noir Désir, mais rendue plus prog par l'apport des claviers, un chant (en anglais) à la Jon Anderson, le tout accompagné d'un quartet (2 violons, 1 alto, 1 violoncelle).
Jean Brianza |